La méridienne d'un dragon
C’était tellement bon de ne rien faire !
Cyril se reposait, étalé de tout son long en travers de son lit, sur le ventre, les ailes à plat, et la tête sur son maxi oreiller. Sa couette était rabattue, pour bien l’envelopper, et ainsi au chaud, il s’offrait le luxe d’une sieste réparatrice.
Il bailla largement, en fait il avait dormi un bon moment, et n’avait plus sommeil, mais n’avait pas envie de sortir de son cocon. Il avait laissé les rideaux à demi tirés pour voir un ciel d’automne, d’un bleu limpide, comme bien lavé, avec des petits nuages, dans une atmosphère encore douce. En dessous, il y avait le parc, dont les arbres commençaient de rougir, créant une symphonie en dégradé d’or et de cuivre.
Cyril avait laissé la fenêtre un tout petit peu entrebâillée pour avoir de l’air frais, et comme
il avait beaucoup plu dans la matinée, il pouvait sentir une odeur de terre mouillée, réchauffée par le soleil, qui montait, avec celle des végétaux détrempés, des fleurs qui s’épanouissaient encore, sous la garde vigilante du maître jardinier, et des herbes aromatiques du jardin potager, menthe, sauge et basilic mêlés.
C’était le tout début d’après-midi, et le royaume Pc était étonnement calme. D’habitude on pouvait entendre des éclats de voix, les pages et les écuyers chargés de porter les données d’un fichier à l’autre ne se gênaient pas pour discuter fort. Les maîtres de fichiers eux-mêmes, ou les visiteurs, tenaient des discussions animées à n’en plus finir. Il y avait le ronronnement des machines de Magnus Discus, que Cyril pouvait entendre de chez lui, quand l’activité était intense, et Magnus lui-même qui avait le verbe fort haut.
Les sonneries des communications, le vrombissement sourd des flux Internet quand quelqu’un oubliait de fermer une des connexions y menant, ce qui arrivait souvent. Tout un petit monde d’allées et venues qui ne cessaient que venu le soir tard, pour ne garder qu’une activité de veille. Cyril depuis longtemps, s’était habitué à dormir avec ce bruit de fond permanent, mais ce moment de silence était une vraie béatitude.
Second bâillement, Cyril s’étira avant de faire gonfler son oreiller, et de se réinstaller dessus. Il avait été vraiment fatigué en revenant de son expédition pour passer les épreuves des dragons magiciens. Il avait largement prouvé sa valeur, et n’en était pas peu fier. Même s’il ne devenait jamais un très grand magicien, il faisait partie maintenant de l’élite des dragons, place qui exigeait l’excellence dans les actes, et Cyril était décidé à mériter cette distinction au-delà des épreuves dans la montagne. Mais en attendant, repos !
Il était passé par le fichier des pirates pour voir Abby, sa fiancé.
Les pirates l’avaient chaudement félicités après leurs fiancailles, et organisé derechef une petite fête, qui réunissait les deux équipages de l’Altaïr et du Dénébola sur la plage de leur île préférée, près de la Tortue.
Comme souvent dans ce genre de réjouissances, il y avait eu d’autres navires qui passaient par là, et des hommes qui en avaient profité pour venir prendre un verre de rhum, tout en discutant des dernières campagnes de piraterie. Ce qui était devenu une vraie réception, s’était terminé aux petites heures du matin, et après encore de nouvelles congratulations, les au-revoirs à Abby, Cyril était rentré, pour dormir quelques trop courtes heures, avant de reprendre les présentations dans son blog.
Après un été de navigation somme toute assez agité, qui avait été passionnant mais ne méritait pas vraiment le nom de vacances, puis ses fiançailles Cyril menait une vie trépidante depuis trois mois et ce repos venait à point nommé pour lui permettre de recharger des batteries un peu à plat.
Troisième bâillement, et la sensation du sommeil qui revenait, après tout il était là pour ça …
Son retour avait aussi été très attendu, et après avoir reçu maintes félicitations, celles de Magnus en premier, il y avait eu le dîner chez la fée Lilas, où tout le monde s’était bien amusé. Il avait ensuite reçu des invitations d’un peu partout, avait reçu lui-même, et au bout d’une semaine, les choses commençaient tout juste de se tasser.
Un petit nuage, tout en nuances de gris-bleu passait lentement, juste devant sa fenêtre, et Cyril le regardait d’un œil à demi ouvert, laissant dériver ses pensées sans vraiment les analyser. Il aurait dû se trouver dans son blog, à cette heure, mais l’activité n’était pas très importante, Cerise était en classe, et ne reviendrait que plus tard. Il avait activé le programme de remplacement pour rentrer se reposer. Il aurait pu rester sur place, il y avait tout ce qu’il fallait, mais on était jamais aussi bien que chez soi.
Le petit nuage était passé de droite à gauche, et était remplacé par un autre, plus grand et plus allongé, auquel Cyril trouva une forme de flèche.
Du jardin monta un murmure de voix, surmonté par les trilles d’un oiseau, avant que le silence ne revienne.
.Encore un bâillement et la sensation de se laisser glisser.
Un après-midi très tranquille, où de petits nuages circulent dans le ciel, et se reflètent sur la vitre d’une fenêtre à peine ouverte. Un chambre calme, entre ombre et lumière, et un très léger ronflement qui monte de sous une couette moelleuse.
Bonheur rare d’une aventure où il ne se passe…
Absolument rien.
(article programmé )