Rencontre avec la tour Eiffel

Publié le par Hauteclaire

 

                                                      SAM_0471.JPG

 

 

 

 

Il y peu, je me suis trouvée face à la tour Eiffel. Nez à nez pour tout dire, en admettant qu’elle ait un nez. Vous allez me répondre : « normal, tu habites juste à côté ».
Certes, mais cette rencontre dont je vous parle, était pendant mes vacances au bord de la mer ! Et comme je vois que vous allez enchaîner, non, ce n’était pas une reproduction miniature, dans une couleur plus ou moins acidulée. Non, il s’agissait bien de la tour Eiffel, la seule l’unique. Mais il faut que je vous raconte depuis le début.
J’étais exceptionnellement sortie pour un bol d’air très matinal. D’habitude, je préfère mon oreiller, et les promenades vespérales, mais cette fois-là, l’air transparent, un chant d’oiseau particulièrement guilleret m’avaient tentée. Je dois le reconnaître, rien de plus agréable que de parcourir ce coin de verdure parfumé par la brise marine quand il n’y a personne. Je respirais à plein poumons, humant l’odeur mêlée de terre, de végétal et d’iode, amenée par le petit vent depuis la côte toute proche.
Et tout à coup l’impensable ! Bien campée, les quatre pieds dans les champs de blé, la tour Eiffel ! Bien sûr, je me suis dit que je rêvais, ou que j’avais une hallucination, j’étais même assez inquiète. Je me suis appliquée le traitement habituel en la matière, je me suis pincée. Ouille !
Il y avait un beau pinçon sur mon avant-bras, bien rouge, mais il n’avait servi à rien, la tour Eiffel était toujours là, dans les blés ondulant sous le vent. J’avais déjà le menton qui tombait, je me demandais quel asile, ou quel psy allaient pouvoir s’occuper de mon cas, quand j’ai entendu :
‒ Bonjour Cocotte ! Je te reconnais, tu viens souvent te promener sur le champ de Mars, et tu as pris beaucoup de photos.
La voix était assez haut perchée, presque aigrelette, avec un soupçon de coquetterie,  le genre Arletty, si vous voyez. On n’entend plus guère parler comme cela de nos jours… Du coup, j’ai cherché qui était caché dans le champ de blé et me parlait, tout en essayant de rassembler deux ou trois idées éparses.
‒ Non, non, c’est bien moi !
J’ai avalé péniblement ma salive, sans grand succès, et d’ailleurs ma bouche était complètement sèche.
‒ Euh … Bonjour madame, comment allez-vous ? ai-je croassé.
‒ Tu peux me tutoyer, tu sais. Je ne suis pas bêcheuse.
‒ Euh …
‒ Tu commences toujours tes phrases comme cela ?
‒ Euh … hummm, je suis assez surprise de vous trouver ici.
‒ J’en avais un peu assez d’être plantée toujours au même endroit. D’accord, c’est beau Paris, je vois le paysage jusque loin, et il y a toujours de l’animation. Si je veux des nouvelles, je n’ai qu’à écouter ce qui se raconte avec tous les touristes. Ils ne se doutent pas que je les comprends, et c’est souvent bien drôle. Mais à force d’entendre les mouettes en parler, j’ai eu envie de voir la mer, alors me voilà !
‒ Mais comment avez-vous fait ?
‒ J’ai marché bien sûr ! Comment j’aurais fait autrement ?
La tour avait vraiment l’air de me prendre pour une attardée, j’ai décidé de tenter de réagir :
‒ Et au champ de Mars, que disent-t-ils ?
‒ A ça, je n’en sais rien, et puis tu sais, ça m’est égal ! Bon, ce n’est pas tout ça, je faisais une petite pause, j’ai bien avancé. Mais maintenant, la mer m’attend ! Tu viens ? Ce sera plus drôle à deux.
Plus drôle … le mot me paraissait plus que faible en pensant à la tête des autres promeneurs, ou des autochtones que nous allions croiser ! Je voyais déjà les nuées de photographes, les titres en énormes dans les journaux, et qui sait l’armée, les dirigeants … J’en avais la tête qui tournait. Vertige qui a cessé brutalement en entendant la tour me dire :
‒ Tu montes ? Je t’emmène.
‒ Euh …
‒ Encore ?
‒ C’est que j’ai le vertige !
‒ Tu es déjà montée pourtant, je m’en souviens.
‒ Oui, mais je me suis arrêtée au premier, et là, c’était terrible !
‒ Bon, alors grimpe quelques marches d’escalier, et tiens-toi bien, tu seras plus secouée qu’au premier !
J’ai obtempéré, je me suis assise sur une marche, et je me suis cramponnée au montant métallique.
Comment vous dire ? Chaque pas de la tour fait dans les deux cents mètres, et sur ma marche d’escalier, j’ai cru que j’allais m’envoler ! Elle marche l’amble, et quand elle soulevait le côté où j’étais, j’avais l’impression d’un décollage d’avion. Terrifiant ! Mais à deux cents mètres le pas, nous sommes vite arrivées sur la plage. J’étais surprise de voir que personne n’était là, mais il était encore très tôt, le soleil était à peine levé.
‒ Je descends, je vais attendre sur la plage !
C’est ce que j’ai fait, tout en ayant peur de la voir glisser sur les galets. Qu’est-ce que j’aurais pu tenter si elle était tombée ? Mais toute centenaire qu’elle soit, elle avait le pas agile, et elle s’est retrouvée bien vite les quatre pieds dans l’eau.
‒ Ouh, elle est fraiche !
‒ Nous sommes en décembre, ai-je eu la force de lui dire, assise sur mon coin de galets.
D’ailleurs vous avez … tu as de la chance, il fait vraiment très beau.
‒ Ca c’est vrai !
Et elle s’est éloignée dans l’eau, jusqu’à … presque le premier étage. Une bonne trentaine de mètres de profondeur d’eau.
‒ Ne vas pas trop loin ! Là-bas c’est l’Angleterre ! Et j’ai éclaté de rire, quand elle m’a répondu très sérieusement :
‒ Ce sera pour une prochaine fois.
Ils allaient être surpris sur Trafalgar square !
Elle a batifolé dans les vagues pendant un bon moment. L’eau était superbe, bleue comme la Manche offre parfois dans ses meilleurs jours, et se donne un petit air de mer du Sud. Combien de temps ? Je ne sais vraiment pas. Et puis elle a fini par sortir, et s’ébrouer sur la plage. Je n’ai pas eu le temps d’éviter la douche d’eau salée, et d’un ton un peu acide je lui ai demandé si elle n’allait pas rouiller ?
‒ Bien sûr que non, il m’ont passé une peinture spéciale. Tu penses bien que sous la pluie ou la neige, il ne faut pas que je sois abîmée. Et mes rivets sont bien fixés. Mon créateur, monsieur Eiffel, y avait déjà pensé.
Elle a fait une sorte de soupir :
‒ Lui, je le regrette vraiment. Il avait son bureau à mon sommet. Tout le temps de ma construction, le bureau montait avec moi. Il avait une petite chambre, et à la fin, il dormait au troisième. Tu veux voir ? C’est resté en place.
‒ Vraiment pas, j’ai trop le vertige !
‒ Tant pis ! Tu y arriveras peut-être un de ces quat’. Allez, il faut que j’y aille, j’ai quand même des responsabilités ! Au-revoir ma grande, je te verrais sûrement dans pas longtemps.
J’ai dit au-revoir, en agitant la main, et la tour s’est éloigné de ses grands pas à l’amble. Avec deux cents mètres par enjambée, elle allait être vite retournée.
Moi, je suis rentrée à pas lents, en essayant de réaliser puis je me suis précipitée sur la télé. Rien ! Il n’y avait rien sur le sujet, et rien sur le net non plus. Qu’est-ce que tout cela voulait dire ? Les jours suivants n’ont pas été plus bavards, un vrai mystère, je crois que j’ai dû rêver.
Bien sûr, je suis retournée sur le champ de Mars à peine rentrée, et la tour était bien là, bien sage. J’ai tourné autour des piliers, espérant entendre un petit mot, mais rien non plus. J’étais tellement déçue !
Et puis … la lumière d’un des projecteurs m’a frappée en plein visage, en se mettant à clignoter allègrement. Vous ne pouvez pas savoir comme j’étais heureuse !
J’ai fait un grand geste de la main, et je suis rentrée chez moi avec le sourire.

 

 

Publié dans les contes

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
C
<br /> Tu as vraiment l'art du suspens! A chaque phrase on attend la prochaine! Superbe! Amicalement. Christiane-Anda<br />
Répondre
H
<br /> <br /> Merci Christiane  <br /> <br /> <br /> vraiment heureuse que mes écrits te plaisent ! et avec eux, cette tour Eiffel assez espiègle !<br /> <br /> <br /> Gros bisous à toi, et belle journée<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> http://www.gillesvidal.com/blogpano/paris.htm<br />
Répondre
H
<br /> <br /> Merci Armide, pour la découverte de ce lien !<br /> <br /> <br /> C'est très beau, mais rien que là, mon vertige ...<br /> <br /> <br /> Bisous<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> je me sens enchainee a ses rivets, pourtant notre chere 'bergere' veille attentivement sur son trouveau.<br />
Répondre
H
<br /> <br /> Et avec gentillesse il me semble <br /> <br /> <br /> Bises Armide<br /> <br /> <br /> <br />
A
<br /> Tant qu'elle tient debout, ne nous plsignons pas trop (elle rapporte des sous)<br /> <br /> <br /> Mais je dois avouer que je me sens libre et soulagee de la perdre de vue.<br />
Répondre
H
<br /> <br /> Tu ne vas pas me dire que tu n'aimes pas notre Tour ???<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> j'aime beaucoup la tour Eiffel<br /> <br /> <br /> comme Paris d'ailleurs même si je n'y  vais que si peu.......<br /> <br /> <br /> ton histoire moi qui ne suis pas très contes et histoires , m'a scotchée à mon écran.........super !!!!!<br /> <br /> <br /> gros bisous<br /> <br /> <br /> patricia<br />
Répondre
H
<br /> <br /> Elle et moi nous sommes de grandes amies, la preuve <br /> <br /> <br /> Merci Patricia, contente d'avoir su te plaire avec cette lecture !<br /> <br /> <br /> Et de gros bisous<br /> <br /> <br /> <br />