Le philtre (suite)
Le baiser donné a déferlé comme une tempête
Sur le navire aux voiles blanches
Et les marins grossiers qui se moquaient il n’y à guère,
Se taisent, effrayés du visage blême et du regard noyé de leur maître.
A la proue se dresse, immobile, la captive déjà reine, impassible,
Les yeux brûlants, passion, fureur, contenues.
Elle fixe les cotes vertes qui se dessinent dans la brume,
Le pays qui l’attend, prison pour la pâle princesse
arrachée aux mers du nord argentées.
près d’elle la suivante baisse la tête sous la colère muette
De sa royale maîtresse.
Dans ses mains la fiole vide du poison, tromperie révélée
Qui des destins a scellé le devenir.
Le chevalier s’incline et tous deux
Sans un mot, s’avancent vers l’escorte joyeuse qui approche
Le roi la précède, en habits d’apparat
Un sourire aux lèvres il feint d’ignorer
Ce que déjà il devine sur les visages
Sourires absents, regards fuyants.
De l’épouse inconnue il salue la beauté
Et préfère ne pas voir les doigts qui s’effleurent
Et les lèvres qui tremblent
En prononçant un nom
Que le vent répète
Yseut