A l'abordage défi 80: le blog fantôme
Cette quinzaine, la feuille de navigation est en direct de chez Enriqueta pour les croqueurs de mots la communauté de Pascale/Tricotine
Défi N° 80
Vous pensiez être à l'abris dans la blogosphère? Bien caché derrière votre pseudo et votre écran? Mais il n'en est rien...
On dit que dans le cyberespace il existe un blog pas comme les autres...Les rumeurs les plus folles circulent à propos de ce blog...C'est une histoire que les blogueurs se racontent le soir en chuchotant par dessus leurs claviers...
Blog perdu, malheureux, extraordinaire, enchanté, magnifique, hors la loi, hanté ou maudit...
Il est temps pour vous d'apporter votre contribution à la légende de Mystério.
Pour les croqueurs de mots d'Overblog :
participation à publier sur votre blog le Lundi 30 Avril
Extrait du fichier Word trouvé sur l’ordinateur de monsieur M…
D’où est-ce que je vous écris … C’est sans importance.
C’était une soirée comme une autre, passée devant mon écran pour finir un travail en retard. Je suis ingénieur, et l’informatique est indispensable pour mettre les plans au point, les envoyer. Je suis sûr que vous savez de quoi je parle.
J’avais bien avancé, pratiquement fini pour tout dire, et je me sentais à la fois fatigué et tendu, comme cela arrive quand on a beaucoup travaillé. Un peu euphorique peut-être. Le projet allait être finalisé, et je me trouvais assez content de moi.
J’étais arrivé aux petites heures du matin, celles que je préfère. Je vis seul depuis quelques temps, et j’apprécie à ces moments-là le silence qui m’entoure. L’immeuble est calme, mais à deux heures du matin, tout le monde est couché, ou comme moi, ne fait pas de bruit. Juste le son de ma radio, en sourdine, diffusant suavement les notes d’une musique classique m’accompagnait.
Je n’habite pas dans un appartement immense, juste un petit deux pièces, mais il est confortable. Je l’ai décoré moi-même, en prenant mon temps, et je m’y sens bien. Après mon divorce, je suis arrivé là un peu par hasard, et je ne le regrette pas. Je ne suis pas pressé de me remarier, et quand ou si, une nouvelle femme vient, elle trouvera tout installé à la bonne place.
Je me disperse, j’étais en train de dire, ou plutôt d’écrire que ce soir-là j’étais fatigué, un peu somnolent. Vous connaissez cet état. Il faudrait aller se coucher, mais il y a encore un bon millier de choses à faire, plus urgent que de dormir. Le silence tout autour, un verre d’alcool parfumé posé à côté de moi. Non décidément, malgré la fatigue et les yeux qui piquaient, je ne voulais pas éteindre tout de suite.
Sans vraiment penser à ce que je faisais, je cliquais sur la toile, cette gigantesque toile, avec des millions d’araignées. Sautant d’un article, d’une page, d’un blog à l’autre. Mes paupières se fermaient toutes seules.
Il faudrait que je me couche …
C’était ce que je me répétais, sans arriver à me lever et à fermer le couvercle.
En bâillant, un clic, une nouvelle fenêtre, un clic, un nouvel onglet…
Et je me suis réveillé d’un seul coup.
J’étais arrivé dans un site, ou ce qui devait être un site, mais c’était vraiment curieux.
Ce n’était pas la photo, elle était banale.
Une sorte de paysage de campagne. Une étendue herbeuse, une herbe assez folle, un peu râpée par endroit. En tous les cas, mal entretenue, ou pas entretenue du tout. Dans le fond, des arbres, des conifères à ce qu’il me semblait. Le début d’une forêt certainement, les arbres formaient une ligne sombre, qui s’étendait sur toute la largeur de l’écran, pas moyen de voir au-delà. Beaucoup plus loin, derrière les arbres, des collines, ou peut-être une petite montagne. Des sommets arrondis, recouverts d’arbres, avec cette même nuance éteinte, sous un ciel plombé.
Juste devant les arbres, une maison. Une maison tout en bois. Un chalet, j’avais retourné le mot dans tous les sens avant de le préciser réellement. Un chalet qui aurait dû être pimpant, mais qui semblait abandonné. Des fenêtres vides, pas de fumée à la cheminée, une porte d’entrée hermétiquement close.
Le tout dans des tons assourdis, dans les vert-gris, je me suis dit que quelqu’un avait traité une photo pour lui donner la patine de l’ancien sur du noir et blanc. Ou scanné un cliché argentique, sans retrouver les couleurs d’origine.
Je suis resté là, à regarder cette maison, le paysage, l’esprit vide, sans arriver à me détacher de ce cliché inintéressant. Où étais-je d’abord !
J’ai eu un sursaut de volonté, pour examiner de plus près l’adresse. Il y en avait bien une, qui suivait le classique http … Il y avait simplement "notre maison"...
Il n’y avait aucun lien dans l’image, qui conduise ailleurs, aucune autre fenêtre à ouvrir. Pas la moindre boite de dialogue à dérouler pour laisser un message, rien … que la maison et les arbres. Pas d’animaux non plus, ou même d’insectes, et il s’en dégageait une impression étrange, vraiment étrange.
Tu es fatigué, laisse tout cela !
Je me suis secoué, tout cela était de l’imagination, due à la fatigue, je devais éteindre et aller me coucher. J’ai levé la main pour regarder la montre à mon poignet, en clignant des paupières pour mieux voir.
J’avais quitté l’écran des yeux, pas plus de quelques secondes ! J’en suis certain.
Quand je les ai reposés, j’ai vu que la porte d’entrée était entrouverte. Surprenant ! Il y avait donc bien une administration derrière tout cela. Il ne s’agissait pas uniquement d’un début de blog ou de site, abandonné peu après sa création. Mais pourquoi cette porte était-elle ouverte ? Qui allait en sortir ? Je me suis remis à regarder mon écran, la maison et les arbres menaçants, sans bouger, les yeux rivés sur la porte, essayant de deviner qui ou quoi allait sortir de cette maison ?
Combien de temps est passé ainsi ? Aucune idée, j’avais perdu la notion du temps. Il me semblait que cela faisait quelques minutes, mais j’ai réalisé que ma montre m’avait indiqué quatre heures. Deux heures de passées sans que je m’en rende compte, devant cette photographie. J’avais dû m’endormir, cela m’arrive parfois.
Il faut que j’aille me coucher !
C’est à ce moment que j’ai réalisé que la porte était ouverte, grande ouverte.
Je me suis penché en avant pour être sûr de ce que mes yeux me disaient, et pour tenter de voir ce qu’il y avait dans l’entrée de la maison. Rien à faire, je voyais bien le battant à présent tourné vers l’intérieur, mais seul un rectangle noir se laissait voir.
Ca n’avait vraiment aucun sens ! J’étais comme cela, sans bouger, depuis des heures, devant une photo qui ne méritait pas le plus petit commentaire dans le dernier des blogs amateur !
J’étais pourtant sûr de ne pas avoir regardé ailleurs… Comment est-ce que cette femme avait pu apparaitre, sortir de la maison, et se retrouver au milieu de l’étendue herbeuse, sans que je la vois avancer ?
Tout cela devait être le résultat d’un script beaucoup plus élaboré que je ne l’avais cru au premier abord. Ou peut-être une sorte de site d’essai pour un petit génie du traitement d’images.
C’était une grande femme brune, au visage tout aussi immobile que le reste de la photo. Ces cheveux étaient soulevés par du vent, et elle regardait dans le lointain. Elle portait un vêtement assez ancien, une robe longue et droite, sombre, sans fioriture ni bijoux. Ses bras restaient le long de son corps. Elle était assez belle, elle aurait pu même être jolie, si son visage avait exprimé quelque chose, mais non. Rien, pas la moindre émotion sur ses traits réguliers, l’impassibilité totale.
J’ai cligné des paupières, je devais être le jouet d’une illusion, résultat de ma fatigue après tant d’heures devant mon écran. Lentement, très lentement, comme en un ralenti, la femme a tourné le visage dans ma direction, puis elle a levé les yeux vers moi.
Il faut fermer, vite !
D’où est ce que je vous écris ? Peu importe, ce n’est pas cela qui compte.
Vous le saurez bien assez tôt.