A l'abordage, défi N° 91: ronde de nuit

Publié le par Hauteclaire

 

Bonjour les aminautes. Cette quinzaine, à la barre de la coquille des croqueurs de mots , la communauté de Pascale, tenant fermement le cap, Jill Bill , qui nous a lancé un défi en ces termes :

 

Oyez oyez les Croqueurs (Pascale la tricôtineuse) 

Moussaillons de la Coquille

JB capt'aine n°91 à la barre

Quinzaine du 26 novembre au 9 décembre 2012

Vous salue bien !

 

Pour le lundi 3 décembre 2012

Je propose le thème « Mon chez moi, ma maison »

Humour, sérieux, prose, poésie... Réelle ou imaginaire !

Programmez la voile à huit heures

(Dans la communauté des Croqueurs de Mots !)

Merciii 

 


 

le-defi

 

 

 

 

Ronde de nuit

 

           Je ne peux pas dire que ce soit vraiment ma maison, j’y ai juste un petit studio de fonction, qui me permet de me reposer, les nuits, entre deux inspections. J’y suis tranquille, à mon aise, je m'y sens chez moi. J’ai apporté quelques affaires, en plus de celles qui étaient déjà installées. Rien de bien luxueux. Un lit, une armoire, une table. J’ai ajouté la télé, de la vaisselle, un tableau que j’ai peints et mon chevalet. J’aime bien peindre à mes moments perdus, et pour cela il faut tout un matériel. Les couleurs, les pinceaux, les solvants. Quelques toiles vierges. C’est tout ce dont j’ai besoin pour être heureux, et m’occuper quand il ne se passe rien. Parfois les nuits sont longues voyez-vous.

Je suis ce que l’on appelle agent de sécurité incendie, dans un immeuble à grande hauteur. Pour le public, c’est une tour. Terme banal qui ne représente pas vraiment ce qu’est un bâtiment de ce style.

Celui-ci fait quarante étages, des bureaux, des boutiques, un petit club sportif, et des logements locatifs. Une vraie ville en réduction à lui tout seul, en fait d’immeuble.

Bien sûr, je ne suis pas seul à y travailler. Nous sommes toujours par équipe de trois. Une personne est à l’accueil, et nous sommes deux à nous partager le côté sécurité. Il faut surveiller le tableau électronique qui contrôle toute la tour, et qui déclenchera une alarme au moindre problème, à la moindre étincelle, et faire les rondes. 

Il faut aussi répondre aux demandes des personnes qui vont et viennent, leur rendre la vie plus facile, ou bien être prêt en cas de problème plus sérieux. Rien de très compliqué comme je vous disais, mais il faut être vigilant.

Et puis, après dix heures du soir, il ne se passe plus grand-chose. Les boutiques sont fermées, la salle de sport aussi. Il ne reste plus que les allées et venues des résidents et leurs éventuels invités.

Je prends mon service en général le soir, à dix-huit heures, et je suis là jusqu’au matin, moment de ma relève. Quelques mots échangés avec celui qui surveille le bureau, et j’entame ma première ronde technique. J’aime bien ces moments passés en solitaire, à parcourir les couloirs et les escaliers. Je commence par le dernier étage, celui des machineries. Vérifier si les moteurs d’ascenseurs tournent sans accroc, que la ventilation ronronne comme un chat satisfait. L’accès à la terrasse doit être fermé en permanence, mais parfois, je sors quelques instants pour voir le soleil se coucher, un spectacle magnifique à cette hauteur.

Redescendre par l’escalier de secours. Surface nue de béton gris et beige, avec une rampe droite pour seule décoration. Mes pas y résonnent, alors que je descends, prolongeant leurs échos jusque loin dans les étages. A chaque palier j’ouvre la porte, vérifier que rien n’a été laissé hors des appartements, que les lampes fonctionnent bien, que toutes les portes sont fermées. Et puis je reprends ma lente déambulation.

Aux étages des boutiques, je marche dans un univers de miroirs, de transparences, de glaces. Tout y est blanc, chromé, et les mannequins dans les vitrines semblent suspendus dans leurs gestes pour l’éternité.

Le silence y règne, troublé seulement par le léger chuintement de la circulation d’air entretenue vingt-quatre heure sur vingt-quatre. Un air frais, inodore, qui convient bien à cet univers immaculé et vide.

C’est très calme, cette ronde que je répète toutes les quatre heures, me fait parfois penser à une sorte d’image de l’ordre du monde, tel qu’il devrait être.

La descente continue, jusqu’aux sous-sols, la chaufferie, et ses commandes de vapeur. Les réservoirs d’eau pour les pompiers, en cas d’incendie, et les entrées de parking finalement. Il ne me reste plus qu’à remonter avec mon collègue. Nous bavardons, un peu. Nous lisons, tout en surveillant les écrans de contrôle.

Quand sept heures arrivent, il est pour moi temps de passer la relève, et de dormir un moment dans mon studio.

Je vous ai dit, c’est un peu ma maison, même si j’en ai une « vraie » ailleurs, et les incidents sont rares. Rares, très rares jusqu’à une date récente, où  ils semblent se multiplier.

La toute première fois, je me souviens, c’était un locataire qui avait voulu descendre chez un ami par l’escalier.

Mal lui en a pris, la minuterie s’est éteinte trop vite, il s’est retrouvé dans le noir, et il est tombé sur les marches. Rien de bien grave, des contusions et une grosse coupure au genou. Il est quand même resté deux jours à l’hôpital, et bien évidemment, sur le moment, les pompiers sont venus, le samu et l’escalier a été vérifié. Il prétendait que quelque chose l’avait fait trébucher. Les pompiers n’ont rien trouvé, bien sûr ! Et la minuterie marchait tout à fait normalement. Mon collègue a souri en sous-entendant qu’il n’était peut-être pas aussi sobre qu’il aurait dû.  Nous avons ri tous les deux, quand il m’a dit que cela mettait un peu d’animation dans le service !

Ensuite, il y a eu cette alarme incendie sur un palier. Il semble qu’une ampoule soit tombée sur la moquette, qui a commencé de prendre feu. Une épaisse fumée s’est dégagée, les habitants de l’étage ont eu très peur, et les pompiers ont une nouvelle fois fait une inspection serrée.

     ‒ Et bien, on dirait qu’on prend des habitudes chez toi ! m’a dit le chef en souriant, mi -figue et mi-raisin.

J’ai haussé les épaules, la loi des séries, quand ça commence…

Cela avait bien commencé. Un ascenseur a décroché, et le parachute n’a réagi qu’au tout dernier moment, commotionnant assez sérieusement les passagers qui étaient à l’intérieur.

Ensuite, ce fut une liste ininterrompue d’incidents plus ou moins sérieux. Pannes d’ascenseurs, la nacelle d’entretien des façades qui reste coincée entre deux étages, impossible pour les ouvriers de la faire repartir. Ils étaient coincés, là-haut, sans pouvoir en sortir.

Début d’inondation dans les étages techniques, avec le système de chaudière qui fuyait de tous ses écrous desserrés.

J’ai beaucoup plus à faire dans ces cas-là. Il faut rassurer les personnes, accueillir et diriger les secours, parfois les nuits sont si agitées que je n’ai pas un moment à moi, et que je suis heureux de retrouver mon lit…

Cela s’était malgré tout bien calmé, il était temps ! La police se posait beaucoup de questions et venait tout le temps pour enquêter à droite à gauche. Ils dérangeaient tout le monde à force.

Je suis revenue à ma petite routine, un peu longue, un peu ennuyeuse.

C’était beaucoup plus calme, jusqu’à ce soir.

On m’a appelé d’urgence, chez moi. Un locataire venait de retrouver un corps sur son palier, un homme proprement assommé par un objet contondant, selon les termes consacrés.

Cette fois, la police est venue en nombre, précédant les inspecteurs, la scientifique.

J’en ai eu jusqu’à tard dans l’après-midi, avant de pouvoir souffler. Mais j’avais le sourire en remontant.

Est-ce que je dois changer mon club de golf de place ?

Oh non, là où il est, ils ne le trouveront pas.

Que voulez-vous les nuits sont longues, et il faut bien se distraire un peu  …

 

 

 

Publié dans les contes

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F
<br /> La fin est très drôle! Alors comme ça, tu t'amuses la nuit  avec ton club de golf?<br /> <br /> <br /> Ce doit être agréable de se promener la nuit quand tout le monde dort: tu as une tour entière pour toi tout seul !<br /> <br /> <br /> Belle description d'un métier pas toujours facile : tu es sûr qu'il n'y a pas un fantôme  malicieux qui s'amuse à vous jouer des tours  ?<br /> <br /> <br /> Bonne journée; bises<br />
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H
<br /> <br /> Euh moi non ! <br /> <br /> <br /> et non, pas de fantomes (quoique ... ) mais ce gardien ne sait plus comment faire pour que ses gardes passent plus vite !<br /> <br /> <br /> Gros bisous Fanfan, belle journée à toi<br /> <br /> <br /> <br />
M
<br /> Drôle de" maison " et drôle  de surveillant d'immeuble!... Faut pas s'y fier au p'tit père tranquille et à ses petits airs de rien à contempler le coucher de soleil et veiller au grain!...<br /> <br /> <br />  Une maison pleine de pièges tendus ! l' angoisse...<br />  Elle est bien menée ta nouvelle et le mouvement de bascule est insensiblement amené: j'aime bien!<br />
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H
<br /> <br /> Bonsoir Mimi<br /> <br /> <br /> oui, l'ennui peut mener à beaucoup de choses ... bizarres ! et les pièges possibles sont nombreux.<br /> Merci pour ta lecture et d'avoir aimé te balader en ces murs tortueux ...<br /> <br /> <br /> Gros bisous<br /> <br /> <br /> <br />
C
<br /> Sacré responsabilité quand même que ce boulot et pas toujours de tout repos tout de même!Un chez soi bien particulier joliment imaginé et  mis en mots. Bonne journée à toi.Chloé<br />
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H
<br /> <br /> Merci Chloé,<br /> <br /> <br /> un chez soi que l'on transforme pour le rendre ... plus intéressant !<br /> <br /> <br /> Gros bisous à toi<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> une vie pas évidente<br />
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H
<br /> <br /> Agitée sous une apparence calme en fait ...<br /> <br /> <br /> Bises Flipperine<br /> <br /> <br /> <br />
J
<br /> j'y ai cru...au masculin pourquoi pas ....mais la terrasse non ça ne passe pas tu as dis l'uatre jour que tu souffrais du vertige :<br /> <br /> <br /> un vrai roman polar ta maison <br /> <br /> <br /> bonne journée Geneviève<br />
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H
<br /> <br /> J'écris au masculin comme au féminin en fait <br /> <br /> <br /> La terrasse ? C'est vrai j'ai le vertige, et un beau ! Mais j'ai quand même eu l'occasion de voir ce genre de terrasse ... en restant bien près du mur ! La vue est très belle.<br /> Merci Josette pour ta lecture<br /> <br /> <br /> et de gros bisous à toi<br /> <br /> <br /> <br />