Cyril défile (deuxième partie)
– Oh Cyril, quel beau défilé c’était, dit la fée Lilas d’un ton enchanté et convaincu
Ils revenaient tous deux de déposer Abby dans son site pirates des mers du sud, et retournaient tranquillement au château de Pc.
Et la petite était tellement contente d’y aller !
– C’était vraiment une surprise de vous voir tous, assister au défilé. Il y avait tant de monde, j’ai bien failli ne pas vous repérer !
– Il faut dire que Abby a fait tellement de bruit, qu’il aurait fallu être sourd, répondit la fée en riant.
De toutes façons, nous avions envie de venir, et si tu ne nous avais pas vues, ce n’aurait pas été très grave. C’était nettement plus amusant que de rester devant un écran, chez soi.
La mise en place était difficile ?
– Pas tellement, nous avons répété la veille en matinée , et l’après-midi était libre.
– Qu’avez-vous fait ?
– Et bien…
Cyril se reporta en pensée deux jours auparavant, un moment qu’il n’était pas prêt d’oublier.
La matinée avait commencé avec un réveil pour le moins matinal, autant que pâteux après la partie de cartes prolongée fort tard dans la nuit. Une tasse de chocolat et les tartines du petit déjeuner lui avaient remis les idées en place, et c’est d’un vol léger qu’ils avaient gagné, avec Fantasty, le théâtre des opérations du lendemain.
Une large avenue avait été réalisée, s’étendant à perte de vue. Tout le monde avait reçu un plan de l’ordre de passage, par liste alphabétique, ce qui les mettait un peu après le milieu, avec la lettre P, de Pc.
Des organisateurs couraient partout pour veiller à ce que personne ne se trompe, puis il avait fallu apprendre à marcher en rangs, et en laissant un espace entre devant soi, afin que toutes les délégations soient visibles, même celles d’un seul représentant.
Marcher d’un pas lent et régulier n’était pas non plus si facile, ils auraient d’ailleurs pu choisir de défiler en vol, mais ils auraient été moins visibles aux écrans braqués sur eux depuis Pc.
Enfin, après quatre heures de travail acharné, et une progression d’une dizaine de mètres, la direction du défilé, par la voix des organisateurs, déclara que c’était suffisant, et leur rendit leur liberté en leur donnant rendez-vous pour le lendemain.
En attendant une petite sieste s’imposait, s’était dit Cyril, en étouffant un bâillement.
Aussi, il fut extrêmement surpris de voir que Fantasty refaisait son sac, en empilant ses affaires ;
– Prépares-toi, je t’emmène voir les amis dont je t’ai parlés. J’étais chez eux hier soir, ils nous attendent pour la soirée.
– Ah bon ? avait répondu Cyril, surpris.
Il avait ramassé son bagage, et suivi Fantasty.
Dehors, trois gaillards attendaient, des polynésiens qui venaient d’un site sur les îles du Pacifique :
– Merci les gars ! Ce sera plus agréable pour la nuit, que de rester dehors, hier, il n’y avait plus de place !
Après un échange d’au-revoir, Fantasty, et Cyril à sa suite, avaient pris la direction des fichiers riverains du site de manifestation.
Il y en avait beaucoup, plus que ce que Cyril avait imaginé, et à force de regarder leurs noms de domaine, il avait failli rentrer dans Fantasty qui s’était arrêté devant la connexion vers l’un d’eux.
Il examina la porte, pas de nom, mais des grosses fleurs peintes en couleurs vives. La connexion s’était ouverte, et là ses narines avaient été frappées par un parfum délicat et pénétrant.
De l’encens, un délicieux parfum d’encens au patchouli, que c’était agréable !
Le décor était celui d’une campagne bien verte, s’étendant à perte de vue, alternant les carrés jaunes des champs cultivés, et les carrés verts des prairies, puis une joli rivière près de laquelle une maison se dressait.
Les deux dragons y étaient arrivés en deux coups d’ailes, atterrissant devant un perron croulant sous les fleurs. La maison elle-même n’avait qu’un étage, surmonté d’un toit de chaume, tout en étant plutôt grande. Les murs peints en blanc, étaient décorés comme la porte de connexion, de grosses fleurs, et de signes que Cyril n’avait pas reconnu pas, mais il n’avait pas eu le temps de demander des explications à Fantasty, que déjà du monde jaillissait de l’intérieur.
Il devait y avoir trois familles au grand complet, parents et enfants, et Cyril n’avait encore jamais vu des gens habillés comme eux. Ils portaient tous les cheveux très longs, retenus au front par un petit lien tressé. Des vêtements amples, pour les hommes, pantalons et tuniques larges, recouverts par un petit gilet sans manches, de belles robes aux couleurs vives pour les femmes, brodées de fleurs, avec des petites pastilles métalliques faisant miroir, et des nus-pieds pour tout le monde.
L’ensemble était gai, coloré, il avait même droit à un collier de fleurs autour du cou, offert par une jolie brune
– Entrez, entrez ! s’exclamait un des hommes, vous arrivez bien, c’est l’heure du thé. La répétition s’est bien passée ?
Fantasty avait fait les présentations :
– Voici Cyril, puis :
Luke, John, et Free. Samantha, Renée, et Lisa.
– Bienvenue Cyril !
– Les deux dragons étaient entrés, Fantasty connaissait le chemin et s’était dirigé tout droit vers le fond de la maison, pendant que Cyril avait traîné un peu, occupé à admirer les tentures recouvrant les murs, des motifs floraux, des arbres, des paysages.
Ils étaient arrivés dans une grande pièce, faisant office à la fois de salon, et d’atelier, toute une partie occupée par des métiers à tisser, des chevalet de peintres, et un tour de potier. Il n’y avait pas de sièges, simplement des poufs, ou des gros coussins empilés, sur des tapis artisanaux. Cyril avait adoré s’installer sur les coussins, bientôt rejoint par un chat roux, qui s’étala de tout son long à côté de lui.
Le thé avait circulé, fumant, d’une couleur claire et sentant bon le jasmin, et la conversation avait coulé sans contrainte, entrecoupée de rires. Les trois couples vivaient là de leur artisanat, présentant par la même occasion un fichier sur les années soixante dix.
Ils faisaient tout eux-mêmes, les vêtements, leurs ustensiles, et cultivaient leurs champs. Seuls les écrans allumés dans une autre pièce, témoignaient de leur appartenance au très récent monde du web, dont d’ailleurs ils n’ignoraient rien.
L’après midi s’était écoulé paisiblement, puis la soirée, après une promenade jusqu’à la rivière. Le dîner était copieux, végétarien, des légumes et des fruits du jardin avec des œufs du poulailler. Une mousse au chocolat avait terminé le repas, et Free s’était mis à la guitare, pour jouer un air doux, accompagné par le chant de Lisa.
Leur chambre, à l’étage, au plafond en pente, était meublée de deux grands lits, ou plutôt deux épais matelas à même le sol, recouverts aussi de coussins colorés et de couvertures en patchwork « faites maison », avait dit Renée avec fierté. Les deux fenêtres s’ouvraient sur les champs, sur lesquels une belle lune brillait, et la nuit bercée par le chant d’un rossignol, dans l’odeur mêlée des foins et de l’encens. Cyril rêva de grandes fleurs qui marchaient et chantaient toutes seules, étendu à plat ventre sur son matelas moelleux.
Toute la maisonnée se levait avec le soleil, et les deux dragons étaient repartis après beaucoup de remerciements, et la promesse de revenir très vite. Cyril avait été enchanté de la rencontre, et était impatient de revenir.
Mais l’heure du défilé était arrivée.
L’avenue était noire de monde, et ses abords aussi. Les deux dragons avaient laissé leurs bagages dans une consigne du village de tente, n’emmenant que la banderole de leur royaume,
Après avoir revêtu leurs écharpes de clan. Il fallait encore se placer dans le cortège, ce qu’il firent en volant au dessus des têtes pour retrouver leur place. Enfin posés, ils déployèrent la banderole, en veillant à ce qu’elle soit bien tendue, puis attendirent le moment de la mise en route. Celle ci était arrivée peu de temps après, le cortège s’ébranlant lentement, pour prendre son rythme.
De chaque côté un public nombreux, venu de tous les fichiers, blogs, domaines et sites possibles pour applaudir. Cyril n’en croyait pas ses yeux, tout le web était là ! Il ne devait plus y avoir grand monde pour répondre aux demandes du monde réel ! Et quelle fierté de représenter son royaume.
A ce moment il lui avait semblé entendre son nom, et tournant la tête tout en maintenant bien la banderole droite, il avait cherché, et avait vu Abby et la fée Lilas, au premier rang, applaudissant à tout rompre. Derrière elles, d’autres membres de Pc, Dame Outlook, messire Documentis, des pages et des hérauts. Il avait fait un petit signe de la patte, en passant devant ses amis, et le défilé s’était déroulé pendant deux bonnes heures devant une foule plus qu’enthousiaste.
Que de souvenirs ! Cyril revint au moment présent en entendant la fée lui demander :
– Tu me montres ce qu’ils t’ont offert du site hippie ?
Il y avait de l’encens, un tissu pour accrocher au mur, ou mettre sur son lit, mais surtout le portrait !