Cyril et le nouvel an chinois
C'est vrai ! je ne vous ai pas encore raconté !
– Alors Cyril, ce nouvel an chinois ? Il s’est bien passé ?
Cyril avait eu à peine le temps de poser son bagage que la Fée Lilas était venue toquer à sa porte, pour avoir des nouvelles de son séjour dans le lien d’où il revenait.
– Tu as été content, tu t’es bien amusé ?
La fée était vraiment très curieuse de ce dernier voyage, et Cyril avait beaucoup de photos à montrer et de choses à lui raconter.
– Le défilé était réussi ?
– Magnifique ! répondit Cyril, en ouvrant son sac pour en sortir le paquet de photos qui avait été imprimé pour lui.
Et pourtant, il avait bien failli ne pas pouvoir y participer !
Tout juste rentrés de leur voyage dans le grand Nord, lui et Fantasty avaient reçu une invitation pour les célébrations du nouvel an venant des dragons jumeaux Tsien et Chang. Que de souvenirs pour Cyril en lisant la lettre. Quand il était sorti de son livre, pour essayer de trouver un moyen d’intéresser la petite Cerise à la lecture, et qu’il s’était trouvé en face d’un écran d’ordinateur pour la première fois, c’était les jumeaux qui l’avait accueilli. Ils jouaient sur l’écran de veille, et avaient eu l’idée d’appeler Fantasty à la rescousse. Après les évènements s’étaient enchaînés quand il était entré dans le royaume Pc, Fantasty et les jumeaux avaient guidé ses premiers pas dans cet univers totalement nouveau pour le petit dragon. C’était il y avait presque un an, que de chemin parcouru depuis. Les jumeaux étaient retournés dans leur fichier, et Cyril n’avait plus eu l’occasion de les rencontrer depuis longtemps. C’était donc le moment rêvé pour renouer.
Fantasty ne pourrait pas venir, il lui revenait le redoutable honneur de représenter le royaume dans ce nouveau challenge, aussi Cyril prépara t-il ses affaires avec un mélange de regret pour l’absence de son ami, et beaucoup d’enthousiasme.
Le surlendemain, il était arrivé dans le fichier, où les frères l’attendaient à la sortie de connexion. Les retrouvailles avaient été joyeuses, tous trois enchantés de se revoir. Tsien et Chang avaient suivi de loin les aventures de Cyril, sa montée en popularité dans le royaume Pc, et s’en montraient heureux pour lui.
Ils l’avaient emmené dans la maison familiale, où il avait fait la connaissance de leurs parents,
Maître Li, le père et Dame Hseu, leur mère.
Le père était un personnage assez austère, un lettré qui présentait les archives historiques de son pays aux visiteurs désireux d’en savoir plus sur le sujet, dans un site spécialisé. Inutile de dire qu’il était surchargé de travail. Dame Hseu était beaucoup plus abordable, très gentille, elle adorait bavarder et avoir du monde chez elle. Il y avait donc constamment des amis de ses fils qui allaient et venaient, pour une visite, partager le repas ou un thé.
Quant à la maison elle-même, c’était un bijou. Partout de la laque rouge vif, délicatement incrustée d’ivoire et de nacre, pour les lambris, les paravents, les meubles. Sa chambre était un ravissement, depuis le lit bas, reposant sur un sommier au pieds travaillés, jusqu’au coffre recouvert de cette même laque, en passant par l’immense tapis de laine haute, qui transformait le sol en champ de fleurs roses.
Et le pays ? Les jumeaux l’avaient entraînés dans une visité effrénée de tous les plus beaux sites. La grande muraille, les palais, les cavaliers en terre cuite, le désert, les fleuves immenses, et le tout sous un beau soleil et un froid qui lui rappelait sa récente expédition dans le grand nord.
Il restait deux jours avant le défilé et Cyril se demandait vraiment s’il allait pouvoir se présenter, en fait, il pensait qu’il vaudrait mieux rentrer chez lui, pour ne pas embarrasser ses hôtes.
La veille au soir, il avait commencé de se sentir patraque et frileux. Sans doute avec tous ces séjours en pays froids, s’était-il un peu enrhumé. Il avait donc pris soin de se coucher le plus tôt possible (d’ailleurs la maisonnée ne veillait pas tard) avec un bon thé chaud, et une pile de couvertures, espérant qu’au matin il irait bien.
Malheureusement ce n’avait pas été le cas, il était tout frissonnant, les yeux larmoyants, et par dessus le marché, impossible de faire la moindre flamme ! Déjà dans la soirée, en examinant sa gorge, il avait vu de la vapeur, ce n’était pas bon signe, mais là, en essayant de produire une petite flammèche, de l’eau était sortie, et il avait éternué.
Comment participer au défilé en crachant de l’eau !!
Il était aller trouver Dame Hseu pour lui expliquer, et la prier de l’excuser, il allait rentrer dans le royaume Pc, pour se soigner et ne pas les déranger plus, malgré les protestations de Chang et Tsien. Elle l’avait considéré d’un œil perçant, puis en mère de famille habituée à gérer les bobos des plus jeunes, elle l’avait renvoyé au lit, en déclarant qu’elle allait appeler le médecin de la famille, l’honorable docteur Chen.
Cyril avait obéi, était retourné dans sa chambre, accompagné de ses deux amis, et s’était recouché avec reconnaissance.
Une heure après, un coup léger avait été frappé à la porte, et Dame Hseu entrait, suivie d’un petit homme assez âgé, vêtu d’une simple robe de tissu brillant et sombre, surmontée d’un épais manteau d’hiver de même couleur.
Il avait posé sa mallette, et s’était approché de Cyril avec un bon sourire qui mit le petit dragon tout de suite en confiance. Ses prunelles pétillaient d’intelligence et de malice, le rire prompt faisait presque disparaître ses yeux effilés, les transformant en ligne étroites.
– Alors petit dragon ? Ça ne va pas ?
– Je suis enrhubé, répondit un Cyril bien abattu.
Depuis hier soir, j’ai froid, et je crache de l’eau.
– Ah ah ! fit le médecin, en se posant près de lui, voyons cela.
Il se saisit d’une patte, et commença de lui prendre le pouls, en différents endroits du poignet.
– Oui, oui, pouls rapide et pressé, voyons la langue ?
Langue rouge et brillante !
Il considéra Cyril d’un œil critique :
– Ecailles ternes, chaudes et sèches. Pas de doute, tu es bien enrhumé, c’est une affection eau. Il faut adoucir cet excès de yin, et renforcer ton yang, en le faisant remonter vers le haut.
Cyril ne comprenait rien à ce que disait le médecin, mais Dame Hseu hochait la tête d’un air pénétré, donc ce devait être un diagnostic habituel de la médecine chinoise.
L’honorable Chen avait sorti un bloc de papier de son sac, et un crayon, avait tracé rapidement une série de signes sur la feuille, puis avait tendu celle-ci à Tsien :
– Vas porter ceci à mon assistant, qu’il prépare la quantité nécessaire pour trois bols par jour pendant deux jours.
Tsien était parti à tire d’aile, et le médecin avait replongé dans son sac pour en sortir un étui allongé, de couleur noire, qu’il avait ensuite déplié sur un bord du lit. Cyril avait sursauté, il contenait plusieurs rangées d’aiguilles de toutes tailles, emballée chacune dans un petit sachet hermétique. Le docteur Chen en sélectionna une série, et reprit la patte de Cyril, écartant habilement les écailles pour planter l’aiguille en un premier point, entre le pouce et l’index.
En moins de temps qu’il ne le fallait pour le dire, le petit dragon s’était retrouvé hérissé de pointes, sur les pattes avant, tout autour du museau, sur le haut du poitrail, et même sur les pieds ! Une sorte de résine avait même été ajoutée au bout des aiguilles du poitrail, que le docteur avait fait brûler.
– Moxas, oui, très bon ça !
Cyril s’était senti très vite détendu, à la limite du sommeil, flottant dans une sensation de mieux être dont il ne se croyait pas alors capable. Puis les aiguilles avaient été retirées, doucement, et le médecin était parti , laissant son patient se reposer. La tisane prescrite était arrivée peu après, mélange chaud et sentant bon les herbes, elle était un peu amère, mais Cyril avait avalé sans discuter.
Au soir, il se sentait beaucoup mieux, et avait pu prendre un dîner léger, en plus de la tisane, et le lendemain ses flammes étaient revenues.
Il avait pu prendre place dans le défilé, comme prévu, dans le cortège des délégations étrangères.
Que de couleurs, de sons, de costumes !
La musique a base de percussions et de cuivres au son aigrelet résonnait avec clarté, entraînante. Des étendards, des drapeaux, des banderoles, en rouge, en jaune, en vert, flottaient au vent. Des pétards éclataient en une joyeuse cacophonie. Les costumes chatoyaient sous le soleil, et les dragons spécialistes de la fête dansaient en bondissant et ondulant, faisant valoir leurs écailles maquillées de dessins compliqués et multicolores.
Les autres, simples participants comme Cyril, se contentaient de marcher à la suite, en crachant force flammes, et saluant la foule qui applaudissait.
Cyril lui-même s’était taillé un assez joli succès en exécutant quelques loopings en vol, une de ses spécialités.
– Si vous aviez vu, Fée Lilas, toutes ces couleurs, quelle fête !
Et quel feu d’artifice le soir !
Le restant de l’après-midi se passa au milieu des photos, circulant de mains en mains, admirées par les nombreux amis qui étaient entrés pour avoir des nouvelles de Cyril.
Oui, un très beau nouvel an !