L'astronome à sa fenêtre

Si j’étais …
Le regret de ne pas savoir chanter, d’abord. Ensuite, l’archéologie, en Egypte. Rechercher les trésors enfouis dans les sables, et savoir les faire renaître à la vie.
Mais avant tout, et sans l’ombre d’un doute, être astronome.
J’en rêve souvent.. à ma fenêtre ..
Et me voilà près du plus grand, à surveiller le réglage de la visée vers une étoile bien précise.
Ou bien, à côté du volcan toujours bouillonnant, dans une chaleur tropicale, à observer notre galaxie jumelle, Andromède. Ou encore, dans le désert le plus aride au monde, le presque mythique Atacama, aller d’un bâtiment à l’autre, armée d’une simple lampe de poche, puisque là-bas il n’y a pas d’éclairage pour ne pas gêner l’observation.
La nuit est noire comme nulle part ailleurs, et je suis habillé chaudement, un gros bonnet sur la tête, enfoncé jusqu’aux yeux, car quand la coupole est ouverte, il fait froid, très froid.
J’observe.
Le soleil et ses jets de lumière pure, qui forment des arcs au-dessus de sa sphère.
Le sol accidenté de Venus, visible seulement aux scans car enfouis sous une atmosphère opaque. Là, les volcans crachent leur feu sans répis, et le vent de la tempête avance à trois kms/h dense comme un mur de béton, dans une pression de 90 atmosphères.
Un long regard vers notre Lune, notre sœur, et Tycho, le très brillant piton.
Je me perds dans l’exploration du labyrinthe de la nuit, sur Mars. Canyon qui fait passer celui de l’Arizona pour un nain.
Un saut au-dessus des astéroïdes de la ceinture, Jupiter se révèle. Sa tache rouge, ouragan permanent qui engloutirait la terre, et bien plus encore, m’attire. Comment, pourquoi ?
Le ballet des satellites, Io la brûlante, et Europe. Un océan se trouve sûrement sous sa surface de banquise. Y a t-il de la vie dans celui-ci ? Et laquelle ?
Pas le temps de s’attarder, Saturne est là, présentant ses anneaux comme des joyaux. Je me passionne pour les photos de la sonde Cassini, qui vient d’atterrir sur Titan, son satellite, gros comme une petite planète. Des fleuves et des océans d’hydrocarbure s’étendent sur la surface, pendant qu’au loin des cryo-volcans crachent leur lave d’eau. Il y aura de la vie un jour sur Titan, quand le soleil aura englouti sa proche périphérie .. et la Terre.
Uranus, si penché sur son axe de rotation, qu’il nous présente ses pôles, puis Neptune, d’un bleu céleste, à peine tranché de fins nuages d’un blanc
immaculé.
Une image digne d’une estampe raffinée. Qui imaginerait que les vents soufflent à 2000 kms/h en voyant cette apparente sérénité ?
Je vois avec un peu de mélancolie les vaillantes petites sondes Voyager disparaître vers l’espace lointain, emportant un message …
Vient l’observation lointaine. Je chasse l’étoile double ou triple, je traque le quasar et la nova, j’écoute l’écho du rayonnement fossile, comme un cœur qui bat. Pourrons-nous un jour remonter jusqu’au big bang ?
Plus loin toujours plus loin…En visant une étoile, voir le mirage somptueux, qui porte le nom de celui qui l’a théorisé, la croix d’Einstein.
Vers le cœur de notre galaxie, dans la direction du sagittaire, là où le trou noir des origines s’étend, invisible et puissant.
Et enfin au-delà, le télescope restera toute la nuit fixé sur un point précis, emplissant l’air du ronronnement du moteur de l’équatorial, pour photographier les pouponnières de galaxies, en champ profond.
Y a t-il d’autres êtres pensants dans toute cette beauté ?
Peut-être, moi, l’astronome qui rêve à ma fenêtre en regardant le ciel, ai-je vu quelque chose sur ces centaines de photos, ou sur mon écran, qui fait que je sais qu’un ailleurs est possible.
Je ne suis pas astronome, mais je regarde le ciel …