La cour d'amour (1) nouvelle épistolaire
Belle damoiselle,
Jamais ne faillit mon courage au service de mon suzerain, votre oncle, et le ciel et tous ses saints me sont témoins qu’aucun ennemi ne fit reculer mon épée au pied des remparts des citadelles hautaines, sous le feu et le fer.
Les champs de lice m’ont vu porter haut les couleurs de mon fief et de mon noble père, sans que la lance acérée et l’armure adversaire ne me fasse trembler.
Mon cœur a su rester ferme, audacieux, et nul ne peut se vanter de m’avoir vu vaciller, pourtant ce même cœur à présent défaille et s’avoue vaincu par ce qui paraissait si tendre et qui est si cruel.
Recevant cet honneur envié d’être convié à la cour du roi votre oncle, j’ignorais que ce privilège dont j’étais fier, et ce jour qui devait être celui de ma gloire, allait être celui de ma perte, celui où j’allais apprendre la souffrance la plus extrême et la plus douce.
Dès que je vous fus présenté, j’ai su que j’étais perdu.
Un seul regard de vos yeux semblables aux étoiles qui brillent dans les pays d’orient suffit à plonger mon âme dans le plus profond des tourments. Votre sourire si doux, et la main semblable à une aile de colombe que vous me fîtes la grâce de me laisser effleurer, ont fait de moi l’être le plus faible qui se puisse imaginer.
Las, vous n’avez daigné m’adresser la moindre parole, ni le moindre geste qui m’eut donné quelque espoir, et si monseigneur votre père, et le roi votre oncle me faisaient bon accueil, tout autant auraient-ils pu me jeter au plus profond de la basse-fosse, quand vous ne m’accordiez pas la faveur de votre voix mélodieuse.
Prisonnier à présent je suis, en ma propre demeure, en mon château retiré où plus personne ne saurait m’atteindre, souffrant et chérissant ma souffrance.
J’ose pourtant vous adresser cette missive, pour que vous sachiez le mal que vous m’avez fait, et que vous puissiez en rire, ou peut-être, espérance d’un fou, me redonner la vie.
A suivre ...
Article reporté de mon blog "de l'amour"
Tableau par sir Frank Dicksee