Le Noël de Cyril
Cyril se laissait glisser le long de la connexion haut débit, toutes ailes déployées. Que c’était agréable ! Il ne s’en lassait décidément pas.
Il fallait quand même faire attention de ne pas lâcher le petit bagage qu’il tenait d’une patte ferme, il y avait les cadeaux qu’il rapportait,
Les connexions devenaient familières, s’enchaînant les unes aux autres en une longue glissade harmonieuse. Il allait être très vite chez lui !
Voilà, là, l’entrée !
Un clic, et Cyril se posa en douceur. Ça sentait bon la terre humide, le végétal, la pluie. Il faisait assez froid, et c’était la nuit, éclairée d’une belle demie lune argentée. Cyril était arrivé dans les jardins, à la lisière de la forêt du royaume Pc. Plus loin, la façade du château brillait doucement sous les rayons blancs, en se reflétant sur la pièce d’eau, tout était éteint, le royaume dormait encore. Le petit dragon se sentit un peu déçu, personne pour l’accueillir, et à qui raconter tout ce qui lui était arrivé. Ce n’était que partie remise, il allait prendre un peu de repos, ça ne lui ferait pas de mal et le matin serait là très vite.
Il se pencha pour soulever sa valise posée près de lui, sur le sol, s’apprêtant à reprendre son vol vers le château, quand une voix grave retentit derrière lui, bruissante :
– Bonjour petit Cyril !
L’intéressé faillit en lâcher son bagage, se rattrapant juste à temps. Que serait devenu le livre de cristal finalement choisi pour Magnus ? Qui l’interpellait ainsi ?
Il se retourna, pour se trouver face au plus beau sapin de cette partie de la forêt, un arbre vénérable, qui étendait ses branches loin au dessus du sol.
– Bonjour Cyril, répéta celui-ci.
Tu étais en voyage je crois ?
– Bonjour messire Sapin, répondit-il, un peu embarrassé devant le haut personnage.
Comment allez-vous ?
– Bien je te remercie, mais tu as vu comment ils m’ont arrangé ? !
De fait, le sapin était couvert de boules scintillantes, de guirlandes multicolores, de nœuds brillants, de cheveux d’ange.
– Ooooh ! fit Cyril.
C’était vrai, il avait complètement oublié que c’était Noël, et pourtant la date était importante, et de plus, ce serait son premier Noël dans le royaume. Il était encore dans son livre pour le précédent, et tant de choses avaient changées depuis.
– Vous êtes superbe messire Sapin ! dit-il avec une admiration non feinte.
– Humpf , humpf… bon, enfin, c’est gentil de me le dire, et puis ça fait plaisir aux habitants et ce n’est pas pour longtemps, dit le sapin, l’air faussement embarrassé, en agitant ses branches.
Mais il y a un problème.
– Un problème messire ?
– Oui, imagine-toi que comme décoration finale, pour mon faîte, Magnus a engagé une étoile censée briller au-dessus de moi toute la semaine.
Instinctivement Cyril leva la tête, rien au-dessus du sapin.
– Et oui, comme tu vois personne. Cette gourgandine est partie conter fleurette à un cèdre, un peu plus loin. D’accord, il a des aiguilles bleues, et il est plus jeune que moi, mais quand même, elle pourrait faire preuve d’un peu plus de retenue, ou à tout le moins d’un peu de conscience professionnelle ! Mais non, mademoiselle veut être avec son amoureux le soir de Noël !! Quelle époque !
– Avez-vous essayé de lui parler ? Demanda Cyril avec circonspection.
– Humpf… et bien, je lui ai dit de revenir tout de suite…
– Et ?
– Nous avons eu des petits mots..
– Ah… dit Cyril, sans insister plus.
Il était connu dans tout le royaume que le sapin avait la dent, pardon l’aiguille, dure.
– Voudrais-tu être gentil, et aller la voir ? Elle t’écoutera sûrement, fit le sapin d’un ton convaincu.
– Euh, bien …
De toute façon, Cyril n’avait pas sommeil, dans l'autre site où il avait voyagé, on était en pleine journée et il n’avait pas encore effacé le décalage horaire.
– Laisse ta valise à mon pied, elle ne risque rien.
Cyril prit son vol vers la forêt, circulant entre les arbres rapidement. Le sapin lui avait donné des indications, et très vite il fut en vue d’une clairière.
Oui, c’était bien là, il y avait une jolie lueur rose qui filtrait entre les branches du cèdre en face duquel il se posa.
– Oui ? fit la voix distinguée de l’arbre.
– Bonsoir messire, je viens voir si je peux dire un mot à damoiselle étoile ?
La lueur rose s’accentua, et une très jolie étoile sortit du couvert des branches.
– Que me veux-tu ? dit-elle d’un ton assez pincé.
– Messire sapin m’a demandé de venir vous voir…
– Alors là, je t’arrête, il n’est pas question que je retourne avec ce vieux grigou !
– Vas-y , dit le cèdre d’un ton conciliant, ce n’est plus que pour une journée et une nuit.
– Non ! il a osé me traiter de coquette sans cervelle ! et d’ailleurs puisque c’est comme ça, je ne bouge pas. Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas être avec mon fiancé le soir de Noël !
et elle retourna s’installer au creux d’une fourche, sans plus écouter Cyril.
– Mon petit cœur rose
– Mon chéri tout bleu..
Cyril vit qu’il n’y avait rien de plus à faire, et repartit vers le sapin, pour lui annoncer la nouvelle.
– Messire Sapin, euh…Elle ne viendra pas.
– Quelle cervelle vide ! grogna l’arbre, en secouant ses branches de colère, tant et si bien qu’une boule tomba, que Cyril s’empressa de remettre à mi hauteur.
– Magnus va être furieux ! Mais je ne me laisserai pas faire, il saura exactement qui est cette étoile, continuait le sapin, sans s’arrêter.
Cyril, lui, réfléchissait à toute vitesse :
– Je peux demander à la fée Lilas, elle doit avoir des étoiles dans ses contes. Je suis loin de les avoir tous visités
– Laisse, tant pis, on verra bien ce qui…
A ce moment une voix minuscule se fit entendre près d’eux :
– Moi je pourrais aider ! Ca me ferait tellement plaisir de briller tout là-haut, pour Noël.
Qui avait parlé ? Cyril se pencha, le sapin s’interrompit, et tout deux virent une toute petite lumière qui sautillait devant eux :
Une luciole !
– Regardez, je peux briller très fort !
La luciole se gonfla et sa lumière augmenta, d’un beau jaune brillant.
– Mon petit, fit le sapin tout attendri,
Tu es très jolie, et c’est vrai que tu brilles bien, mais tu es trop petite pour là haut, on ne te verra pas !
La luciole fit un « oh » désolé, et se tassa, revenant à un point lumineux très réduit de déception.
– Allons, viens là, reprit le sapin,
Installe-toi sur cette branche basse, tout au bout. Là, on te verra ! et fait attention à ne pas te prendre les pattes dans les cheveux d’ange.
Et il lui tendit une branche sur laquelle s’installa la luciole, se remettant à luire avec entrain.
Cyril la regardait pensivement :
– Je me demande…
– A quoi penses-tu Cyril ? fit le sapin.
– Tu as bien des amies ? demanda le dragon à la luciole.
– Oh oui, plein !
– Appelle-les s’il te plait.
La luciole s’envola, et se mit à clignoter sur un rythme soutenu (le morse des lucioles, vous savez bien)
Presque aussitôt des lueurs se montrèrent un peu partout, répondant au message, et quelques minutes plus tard, Cyril et le sapin étaient environnés d’une nuée de lucioles curieuses, puis enthousiastes à mesure que le petit dragon expliquait ce qu’elles devraient faire.
Il fallut un peu de mise en place, et une heure plus tard, tout était prêt. Le sapin était parsemé de petites lumières du plus bel effet, et à son sommet, le groupe choisi, et mis en ordre par Cyril dessinait une superbe étoile.
– Cyril tu as du génie ! s’exclama le sapin.
Les petites, vous pouvez vous reposer pendant la journée, il faudra être en forme cette nuit.
De fait, le jour se levait, une aube grise et rose, la journée allait être belle.
Les lucioles s’installèrent sur les branches, et Cyril se surprit à bailler.
– Va te reposer Cyril. Et à ce soir pour la fête…et demain matin pour les cadeaux !
Créa image par MCM