Les vacances de Cyril: aventures dans les îles 6
Cyril dans l’île de Pâques
Cyril regardait avec une grande curiosité les falaises de l’île qui se dressaient devant l’Altaïr.
Le bateau avait navigué de nuit, et le matin lui avait permis un mouillage au large de la seule petite plage de l’endroit. Barbe d’Or avait décidé de faire une courte escale de vingt quatre heures, pour permettre à tous de se reposer, et finir de remettre le bateau en état.
Il fallait reconnaître qu’il l’avait échappé belle ! Deux tempêtes coup sur coup, c’était vraiment trop, même pour un trois mats de la trempe de l’Altaïr.
Cyril avait eu droit, un moment avant, aux félicitations bourrues du capitaine et de John le rouge pour les avoir sortis de là, en trouvant une connexion aussi rapidement.
Heureusement qu’ils ne savaient rien de sa mésaventure sur la banquise ! Ils lui auraient reproché son imprudence, et ne l’auraient plus autorisé à partir seul ! Et pourtant ce n’était pas sa faute, s’il y avait eu une crevasse juste sous ses pattes !
Quant à la photographie, qui montrait clairement qu’une créature vivait au fond, qui l’avait guetté, il préférait ne plus y penser. Il ne l’avait pas effacée, peut-être la montrerait-il à Magnus, et encore…
La lumière d’un jour calme et ensoleillé avait chassé les ombres et les peurs, tout l’équipage était concentré sur les tâches à effectuer, et avait aussi envie de se rendre à terre pour camper, et passer la nuit suivante sur « le plancher des vaches ».
Des vaches, il n’y en avait pas beaucoup, pensa Cyril.
Barbe d’Or lui avait dit qu’ils étaient devant l’île de Pâques, en plein Pacifique. Cyril bien sûr, en avait entendu parler, et avait vu un fichier l’une ou l’autre fois, parlant du destin étonnant et tragique de l’île et de ses habitants.
Il savait aussi que dans le monde réel, elle était habitée, que des touristes la visitaient, que des équipes de recherche venaient du monde entier pour fouiller autour des statues gigantesques. Mais pour eux, dans le monde virtuel, elle était pour le moment déserte, et seules les statues se dressaient pour garder les lieux.
Le dragon se sentit saisi de respect devant la prouesse de leur construction, les géants de pierre regardaient au loin, immuables.
Il fut ramené à la réalité présente par la voix de Barbe d’Or qui tonnait :
– Cyril, réveille-toi, moussaillon ! et vas voler un peu par là-bas pour nous trouver une source, et un coin où camper.
Le dragon prit immédiatement son vol, franchit les quelques dizaines de mètres d’eau le séparant de la plage, la survola, et se posa un peu plus loin, sur le sol de l’île mythique.
Le paysage était assez désolé, comme il avait vu sur les documents du royaume Pc. Pas d’arbres, juste une plaine accidentée, couverte d’une végétation courte qui ondulait sous le vent. Plus loin, la déclivité du cratère volcanique, et la coupure brusque des falaises abruptes surplombant l’océan. Un océan bleu de saphir, à peine ridé d’une petite vague de temps à autre, bordée d’une écume blanche comme de la crème. Une autre île se dressait à quelques distances, minuscule, comme un caillou posé sur l’eau, faisant revenir des souvenirs de lecture, une course ancienne, une lutte pour ramener un œuf et avoir la suprématie sur l’île tout entière Et partout, des statues, debout, et couchées, cassées avant d’avoir été dressées.
Allons, il fallait avant tout trouver un endroit pour le campement, se dit Cyril, en revenant à la réalité.
Il avait de la chance ! La source n’était pas bien loin et un creux dans le sol allait leur permettre de s’installer commodément, en étant un peu à l’abri du vent qui soufflait sans jamais s’arrêter, sans être retenu par le moindre obstacle.
Cyril alla porter la nouvelle de sa découverte, et l’heure suivante fut consacrée à débarquer, et à s’installer, puis tous partirent faire un tour, découvrir l’île et ses statues.
Il y en avait de toutes tailles, qui se dressaient un peu partout, et Cyril fut particulièrement impressionné par un groupe de sept, alignées, tout près de la falaise. Beaucoup étaient au sol, plus ou moins cassées, vestiges des troubles que cette civilisation avait connus, qui l’avaient détruite. L’une d’elle attira tout particulièrement son attention.
Pas très grande, en bon état, elle gisait près de son socle. Quel dommage ! Cyril ne savait pas pourquoi, il trouvait triste la chute de cette statue en particulier.
Le tour de l’île fut assez vite fait, elle n’était pas très grande, c’était vrai, et s’il y avait de nombreuses crevasses à flanc de falaise, le dragon n’avait pas la moindre envie de les explorer. L’aventure de la banquise lui avait suffit !
La journée passa en un éclair, et la soirée, autour d’un grand feu fut des plus agréables. Des chansons de marine furent chantées, le rhum circula, réchauffant les esprits et les corps. La lune se leva sur une assemblée de marins finalement fatigués, et prêts à s’endormir.
Les sacs de couchage installés, de légers ronflements ne tardèrent pas à s’élever au dessus du campement improvisé.
Légers ? Pas toujours ! Le voisin de Cyril, un marin de longue date, faisait un bruit digne d’un avion à réaction ! et après s’être installé avec délices dans un sac posé sur des herbes épaisses, Cyril comprit qu’il ne pourrait pas dormir. Il se releva, sans faire de bruit, bien que celui-ci aurait eu du mal à se faire entendre, prit son sac, et alla voir un peu plus loin.
Là, c’était parfait, derrière ce monticule, les ronflements de son voisin n’étaient presque plus audibles. Le temps de réinstaller le sac de couchage, et Cyril s’endormit du sommeil des dragons qui ont bonne conscience.
– Cyril !
– Hummm
Ce n’était pas encore l’heure de se lever, il avait dû rêver.
– Cyril !!!
Cette fois plus de doute, on l’appelait par son nom !
Le dragon se redressa brusquement, qu’est ce que cela voulait dire ? Qui l’appelait ? Il se leva, en maugréant intérieurement. Il n’était pas censé prendre de quart, et d’ailleurs, il voyait celui qui l’assurait, près du feu, qui fumait sa pipe, en regardant le ciel.
Tout le monde avait l’air de dormir, alors qui s’amusait à le réveiller ? Bon, un dormeur peut-être, qui avait rêvé.
– Cyril !
Ca alors ! la voix avait l’air de venir de plus loin, dans la semi obscurité de la lune qui commençait de descendre. Le petit dragon se dirigea avec circonspection vers ce qui lui semblait être la source de la voix, et se retrouva là où il avait été dans l’après-midi, un peu plus loin, la statue couchée luisait faiblement sous la lumière argentée.
– Cyril, viens m’aider à me redresser !
Ce n’était pas possible, c’était …
– Oui, c’est moi qui t’appelle ! Tu m’entends car tu es un être doué de magie. Je n’ai jamais vu de créatures comme toi, mais je sais que tu portes la magie des origines en toi.
– C’est vous qui parlez ? fit Cyril, d’une petite voix un peu tremblante, sans trop approcher.
– Oui, tu dois m’aider, il faut que je me remette debout. Je n’en peux plus d’être couché comme cela. Je dois veiller sur mon île, et pour cela, je dois retourner sur le socle. Aide-moi ! N’aies pas peur !
Cyril approcha lentement. La statue était toujours à la même place, immobile, et seule la voix qui résonnait, un peu chuintante, lui donnait vie. Il y avait aussi une couleur un peu rougeoyante qui colorait la pierre. Il posa les pattes dessus, elle était légèrement chaude.
– Oui ! vas-y, pousse ! redresse-moi !
Le moai n’était pas très grand, mais beaucoup trop lourd quand même, Cyril s’en aperçut au bout de deux tentatives. Aller réveiller les marins ?
Ils se diraient qu’il avait pris trop de soleil, ou qu’il se moquait d’eux. D’ailleurs Cyril n’était pas sûr de ne pas être en train de rêver.
– Fais quelque chose, ne me laisse pas comme cela !
Rêve ou pas, il fallait agir !
La magie, oui ! C’était le moment de mettre en pratique les cours de Dame Florina, son professeur.
Se concentrer, en fermant les yeux, voir la statue à l’intérieur de soi, sentir sa forme, son poids, ses contours, et la soulever, tout simplement, comme si elle n’était qu’un jouet
Un légère vibration, puis rien. Encore un effort, mieux se concentrer. Une vibration, à nouveau, un tremblement, voilà ça y était !
Cyril ouvrit les yeux, le moai était redressé, devant lui, un petit peu au-dessus du sol, et s’exclamait de joie :
– Oui ! Enfin ! Pose-moi sur mon socle.
Un autre petit effort, et la statue reposait sur son emplacement. Cyril, un peu essoufflé, s’approcha, posant une patte sur le corps de pierre. Tout était en place, solidement, les yeux de nacre regardaient au loin. Cyril attendit encore un peu, mais plus aucun son ne vint à ses oreilles.
Il se sentit soudain très fatigué, l’esprit vide, et retourna se coucher en baillant ferme, puis sombra dans un sommeil de plomb.
– Allez Cyril, debout, nous appareillons !
Quelle nuit, quel rêve ! et même pas envie d’aller vérifier que la statue était toujours couchée, c’était évident !
Juste le temps de prendre une tasse de chocolat, et un gros morceau de pain beurré, que tout le monde devait remonter à bord, Barbe d’Or voulant appareiller rapidement. L’Altaïr s’éloigna sous une jolie brise, et un beau soleil levant. Cyril, à la vigie regardait l’île diminuer de taille, quand un point précis le fit se figer. Là, la statue, sur son socle ! Impossible !
– Merci Cyril, fit doucement la voix rauque, portée par le vent.
(photo Hauteclaire, au Louvre)